La culture s’immisce peu à peu sur les plateformes de crowdfunding, qui ouvrent la porte à de nouveaux modes de financement. Quels types de projets audiovisuels peuvent être intéressés par cette voie complémentaire ? Réponse avec Benoît Danard, Directeur des études, des statistiques et de la prospective du Centre National du Cinéma, et auteur de l’étude « Le financement participatif : un nouveau modèle de financement ? ».
L’audiovisuel à la croisée des financements
1,6 milliards d’euros. C’est la valeur de commande de la production audiovisuelle de stock en France en 2016, selon les derniers chiffres du Centre National du Cinéma (CNC). Cet organisme public soutient les œuvres patrimoniales, c’est-à-dire qui sont destinées à une multiple diffusion, contrairement aux programmes de flux, comme le sport ou la télé-réalité. « Sur les 4 900 heures de programmes commandités en 2016, on compte plus de 900 heures de fiction, 2 200 heures de documentaires, 400 heures d’animation, 950 heures de spectacles vivants et 370 heures de magazines d’intérêt culturel », étaye Benoît Danard. Selon le Directeur des études, des statistiques et de la prospective du CNC, ces chiffres ne varient que très peu d’une année sur l’autre, et devraient donc être similaires pour l’année 2017. Un patrimoine culturel conséquent qui fait la fierté de la France, mais reposant sur des modes de financement complexes. Même pour les « œuvres de commande », les modes de financement s’enchevêtrent. Bien que les chaînes de télévision soient souvent les premiers contributeurs (à hauteur de 70% pour la fiction, 50% pour le documentaire, 36% dans le spectacle vivant et 25% dans l’animation), d’autres contributeurs interviennent également. C’est d’ailleurs l’une des six missions du CNC que de soutenir l’économie de l’audiovisuel, grâce à des avances sur recettes : 10% pour la fiction, 20% pour le documentaire, 25% pour l’animation et 30% pour le spectacle vivant. « Il peut y avoir d’autres sources de financement, de la part de productions étrangères ou sur les fonds propres des sociétés de production », précise Benoît Danard.
Des avantages fiscaux
Autres sources de revenus, les « business angels culturels ». Ils ont toujours existé, notamment aux États-Unis, où l’on parle plus de « mécènes » ou « d’investissements privés ». En France, ce phénomène s’observe aussi, mais pour des raisons fiscales. Par le biais des SOFICA – Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, créées en 1985 – les contribuables assujettis à l’Impôt sur la Fortune (ISF, remplacé récemment par l’Impôt sur la Fortune Immobilière) pouvaient défiscaliser une partie de leur impôt en l’investissant à la place dans des projets audiovisuels. Ces « fonds d’investissements culturels » permettent d’injecter 64 millions dans la production française chaque année. Mais contrairement aux plateformes de crowdfunding, les contribuables « aspirants coproducteurs de cinéma » ne choisissent pas quel projet artistique ils soutiennent. « Plutôt que de payer en impôts, ces particuliers préfèrent investir dans autre chose, culturel qui plus est. Mais ces dispositifs n’assurent pas de sécurité, ils ne récupèrent pas forcément leur mise, et il faut compter entre 5 et 8 ans pour disposer de son argent », précise Benoît Danard.
Une voie de financement supplémentaire pour certains projets
Parfois, ce mix d’acteurs ne suffit pas à financer la totalité du projet, et selon Benoît Danard, « les banques ne financent pas le gap-financing ». Pour les entrepreneurs de l’audiovisuel, la difficulté réside souvent dans les frais à engager – pour payer son personnel et réaliser son projet – avant la livraison. « C’est là que le crowdfunding, source de financement privée, peut intervenir, mais il faut garder en tête que les montants restent souvent modestes ». Avec un panier moyen de 8 000 euros récoltés en moyenne, le financement participatif peut être une voie de financement supplémentaire intéressante pour des projets peu coûteux à concevoir.
« Sachant qu’une heure de fiction pour la télévision coûte environ 900 000 euros, le crowdfunding intervient plutôt pour des documentaires dont le coût de production peut tourner autour de 150 000 euros l’heure, voire des court-métrages, où la moyenne se situe autour de 80 000 euros par projet », insiste Benoît Danard. Pour ce spécialiste, ce mode de financement est particulièrement adapté à des projets qui ne demandent pas d’immobilisation financière importante, avec des budgets « raisonnables ». L’un des marchés de niche les plus pertinents pour le crowdfunding serait « la restauration de films du patrimoine ». Parmi les meilleurs exemples récents, la restauration de la trilogie de Marcel Pagnol Marius, Fanny et César a collecté 75 000 euros auprès de 1 458 contributeurs, soit un objectif rempli à 150%. Autre succès, celui des Parapluies de Cherbourg, de Jacques Demy, ayant rassemblé 49 000 euros auprès de 897 contributeurs, soit un objectif rempli à 196% !
Pour en savoir plus :
http://blog.clubfunding.fr/le-crowdfunding-une-voi...